L’auteure s’etonne de voir que 90 % des profils (en fonction de le estimation) qui lui paraissent proposes sur des applications de rencontre paraissent rediges en anglais.

L’auteure s’etonne de voir que 90 % des profils (en fonction de le estimation) qui lui paraissent proposes sur des applications de rencontre paraissent rediges en anglais.

Vingt-cinq ans, celibataire, montrealaise, etudiante au doctorat en litterature, aime la randonnee et J’ai musique punk : voila a quoi ressemble en substance ma phrase d’accroche sur un site de rencontre.

Durant nos derniers mois, j’ai essaye quelques applications pour « trouver l’ame s?ur ». Que ce soit Tinder, Bumble, Badoo ou OkCupid, j’observe une constante : la rarete du francais. Prenez, entre autres, la derniere application que j’ai essayee : Bumble. Je fais glisser les profils : pour neufs profils rediges en anglais, un seul est redige en francais. Vous croyez que j’exagere, mais il n’en est que dalle. Vous me direz que ces applications sont responsables de une telle anglomanie et qu’elles incitent a rediger des profils en anglais. La encore, il n’en est pas grand chose. Mise a part une application comme OkCupid, la plupart des applications sont bilingues.

Prenez Bumble, pourquoi pas ; le principe est de repondre a diverses questions pour se devoiler aux autres utilisateurs. Ces questions paraissent, je le souligne, redigees en francais. On s’attendrait donc a votre que nos utilisateurs repondent dans la meme langue (c’est votre principe communicationnel d’origine).

Or serez-vous etonne d’apprendre que ces anglophiles preferent rompre le pacte en repondant en anglais a ces questions redigees en francais ?

Bien sur, je garde en tete ma situation geographique. Les profils qu’on me presente seront majoritairement des hommes habitant a Montreal. Cela va de soi qu’il y ait une surrepresentation de profils rediges avec des allophones et anglophones associee a Notre geolocalisation de l’application. Or, cette surrepresentation m’apparait neanmoins demesuree – neufs personnes sur dix ne sont gui?re loveaholics allophones ou anglophones a Montreal.

Cela me derange, ce n’est si»rement gui?re qu’un allophone recemment installe a Montreal redige le profil en anglais dans le but de faire de nouvelles rencontres – non, ce qui me derange reellement, ce qui me glace un brin plus le sang, c’est qu’un Quebecois ayant ete eleve en francais, ayant ete scolarise en francais, travaillant en francais, revant en francais, faisant l’amour en francais, redige le profil en anglais dans un site de rencontre.

Chaque fois que je tombe dans 1 profil opportun redige en anglais, j’ecris ce meme message d’introduction : « Do you speak French ? » On me repond souvent a grands coups d’oralite : « ben oui », comme si cela allait de soi qu’un profil soit redige en anglais alors qu’on parle « ben oui » le francais.

Parfois, 1 profil redige en anglais est suivi de la mention « EN/FR ». Chaque fois, un long frisson me traverse. Je ne reponds jamais a ces profils, et ce, meme s’ils seront lumineux, stimulants, superbement ecrits. C’est bien la une question de valeur. Notre langue francaise est une de mes valeurs. Oui, tel l’altruisme, la famille ou la protection de l’environnement. Ca me semble inacceptable d’etre ne au Quebec et de vouloir vendre sa salade virile dans la langue d’un ancien pouvoir colonial.

Parce que couvrir le francais, i§a commence certainement par desirer en francais, seduire en francais.

Je vous pose le sujet : a quel point la langue de Wolfe et d’Amherst est-elle devenue sexy ? Qu’est-ce que ca dit de nous tel Quebecois ? Avons-nous peur a ce point du repli identitaire qu’on ne pourra plus utiliser la langue des premiers emois – et je ne cause meme jamais ici de fierte ? Est-ce donc si honteux de se presenter au monde, de se presenter a l’Amour, en utilisant la langue de Papineau et de Bourgault ?

Tout le monde ces hommes anglophiles et « well-travelled », je vous le dis franchement : se presenter tel votre « citizen of the world » n’est gui?re plus attirant que de reclamer le attachement a sa langue et a son territoire.